CHAPITRE XVIII

Ils repartirent de chez Grinneg avant l’aube, le lendemain matin, après avoir une nouvelle fois revêtu leurs habits de voyage. Ils se glissèrent sans bruit par une porte dérobée et suivirent les ruelles étroites et les allées sombres dont Silk semblait vraiment avoir le secret. Le ciel commençait à s’éclaircir à l’est lorsqu’ils arrivèrent à la massive porte de bronze, à la pointe sud de l’île.

— Combien de temps nous faudra-t-il attendre avant l’ouverture de la porte ? demanda sire Loup à l’un des légionnaires.

— Oh ! il n’y en a plus pour très longtemps, répondit le légionnaire. On ouvre quand on voit distinctement la rive opposée.

Sire Loup grommela dans sa barbe. Il était un peu éméché, la veille au soir, et semblait avoir très mal aux cheveux ce matin-là. Il mit pied à terre, se dirigea vers l’un des chevaux de bât et but longuement à une gourde de cuir.

— Ça ne changera rien, tu sais, déclara tante Pol, d’un ton peu amène.

Il préféra ne pas répondre.

— Je crois que nous allons avoir une belle journée, dit-elle d’un ton enjoué en regardant d’abord le ciel, puis les hommes qui l’entouraient, et qui étaient tous lamentablement avachis sur leur selle.

— Vous êtes une femme cruelle, Polgara, fit tristement Barak.

— Vous avez parlé de ce bateau à Grinneg ? articula péniblement sire Loup.

— Je crois que oui, répondit Barak. Il me semble que j’ai évoqué le sujet avec lui.

— C’est très important, insista sire Loup.

— De quoi s’agit-il ? s’enquit tante Pol.

— Je me suis dit que nous serions peut-être bien contents d’avoir un bateau à notre disposition à l’embouchure de la rivière de la Sylve, expliqua sire Loup. Si nous ne pouvons vraiment pas faire autrement que d’aller à Sthiss Tor, je préfère encore m’y rendre par mer plutôt que de patauger à travers les marécages de la Nyissie du nord.

— C’est même une très bonne idée, approuva-t-elle. Je suis surprise que tu y aies pensé, compte tenu de l’état dans lequel tu étais hier soir.

— Tu ne penses pas qu’on pourrait parler d’autre chose ? gémit-il.

Mais la pénombre cédait imperceptiblement du terrain, et l’ordre d’ouvrir la porte vint enfin de la tour de guet, en haut du mur. Les légionnaires firent glisser les barres de fer et les lourds vantaux pivotèrent. Mandorallen à son côté, Silk leur fit franchir le vaste portail, puis le pont qui enjambait les eaux noires de la Nedrane.

A midi, ils étaient déjà à huit lieues au sud de Tol Honeth, et sire Loup avait presque retrouvé la forme, mais ses yeux semblaient encore un peu sensibles à la vive lumière du soleil printanier, et il lui arrivait plus souvent qu’à son tour de réprimer une grimace de douleur lorsqu’un oiseau venait chanter trop près de lui.

— Des gens à cheval, par-derrière. Ils se rapprochent, déclara Hettar.

— Combien ? demanda Barak.

— Deux.

— Des voyageurs comme les autres, peut-être, dit tante Pol.

Deux cavaliers apparurent derrière eux, à un détour de la route. Ils s’arrêtèrent pour tenir conciliabule et se décidèrent, au bout d’un moment, à se rapprocher avec circonspection. Ils formaient un couple un peu bizarre. L’un d’eux, un homme, portait un manteau tolnedrain vert — vêtement dont le moins que l’on pût dire était qu’il n’avait jamais été conçu pour monter à cheval. Il était très maigre, et ses oreilles dépassaient de chaque côté de sa tête comme des nageoires. Sur son front haut, les cheveux avaient été soigneusement peignés pour dissimuler une calvitie envahissante. Son compagnon, qui s’était noué un mouchoir devant le visage pour filtrer la poussière, se révéla n’être qu’une enfant habillée d’une sorte de pèlerine à capuche.

— Bien le bonjour, dit poliment l’homme au visage émacié comme ils se rapprochaient du groupe.

— Salut, répondit Silk.

— Il fait chaud pour la saison, non ? poursuivit le Tolnedrain.

— Nous avions remarqué, acquiesça Silk.

— Je me demandais, reprit le maigrichon, si vous n’auriez pas un peu d’eau à nous donner ?

— Mais bien sûr.

Silk jeta à Garion un coup d’œil accompagné d’un signe en direction des chevaux de bât. Garion partit vers l’arrière et détacha une outre de cuir de l’un des chevaux. L’étranger retira le bouchon de bois, essuya soigneusement l’embouchure de la gourde et l’offrit à sa jeune compagne. Celle-ci retira le mouchoir qui lui cachait la figure et regarda le récipient d’un air perplexe.

— Comme ceci, Votre... euh, gente damoiselle, expliqua l’homme, en reprenant l’outre et en l’élevant avec ses deux mains pour boire.

— Je vois, dit la fille.

Garion la regarda plus attentivement. Sa voix lui rappelait quelque chose, il n’aurait su dire quoi, et son visage ne lui était pas inconnu non plus. Elle n’était vraiment pas grande, mais ce n’était plus une petite fille, et elle avait une tête d’enfant gâtée que Garion était presque certain d’avoir déjà vue quelque part.

Le Tolnedrain lui rendit la gourde pour qu’elle puisse boire à son tour. Le goût de résine lui arracha une petite grimace. Elle avait les cheveux d’un noir violacé, mais de légères traces noires sur le col de son manteau de voyage semblaient indiquer que la couleur n’était pas naturelle.

— Merci, Jeebers, dit-elle enfin. Et merci, Messire, ajouta-t-elle à l’adresse de Silk.

Les yeux de Garion s’étrécirent ; un terrible soupçon venait de naître dans son esprit.

— Vous allez loin ? demanda le squelette ambulant.

— Assez, oui, répondit Silk. Je m’appelle Radek, et je viens de Boktor, en Drasnie. Je suis marchand ; je transporte des lainages sendariens vers le sud. Le changement de temps a fait chuter les cours à Tol Honeth, alors je vais tenter ma chance à Tol Rane. C’est dans les montagnes ; il y fait probablement encore assez froid.

— Dans ce cas, vous n’êtes pas sur la bonne route, déclara l’étranger. Tol Rane est beaucoup plus à l’est.

— Oui, mais j’ai déjà eu des ennuis sur cette route, expliqua Silk, sans se démonter. Des voleurs, vous voyez le genre. Comme je n’ai pas envie de courir de risques, je me suis dit que je ferais aussi bien de passer par Tol Borune.

— Quelle coïncidence ! répliqua le sac d’os. Nous allons aussi à Tol Borune, ma protégée et moi-même.

— En effet, admit Silk. Quelle coïncidence !

— Nous pourrions peut-être faire route ensemble. Silk prit un air dubitatif.

— Pourquoi pas, après tout ? décida tante Pol, avant qu’il n’ait eu le temps de refuser.

— Vous êtes très aimable, gente dame, dit l’étranger. Je suis Maître Jeebers, Compagnon de la Société impériale, précepteur de mon état. Vous avez peut-être entendu parler de moi ?

— Je ne pourrais pas l’affirmer, reprit Silk. Mais cela n’a rien d’étonnant ; nous sommes étrangers en Tolnedrie.

— C’est sans doute assez normal, en effet, convint Jeebers, un peu déçu tout de même. Voici mon élève, Damoiselle Sharell. Son père, le baron Reldon, est grand maître de la confrérie des marchands. Je l’accompagne à Tol Borune où elle doit rendre visite à sa famille.

Garion savait que ce n’était pas vrai. Le nom du précepteur avait confirmé ses soupçons.

Pendant plusieurs lieues, Jeebers entretint un papotage animé avec Silk, auquel il exposa en long et en large la substance de son enseignement, sans cesser de faire précéder ses remarques d’allusions aux importants personnages qui semblaient s’en remettre à son jugement.

C’était un redoutable raseur, mais en dehors de cela, il semblait passablement inoffensif. Son élève, qui chevauchait à côté de tante Pol, ne disait quant à elle pas grand-chose.

— Je pense qu’il serait temps que nous nous arrêtions pour manger un morceau, annonça tante Pol. Voulez-vous vous joindre à nous avec votre élève, Maître Jeebers ? Nous avons amplement de quoi manger.

— Je suis confus de votre générosité, répondit le précepteur. Nous en serons très heureux.

Ils s’arrêtèrent près d’un petit pont qui enjambait un ruisseau et menèrent leurs chevaux à l’ombre d’un épais bosquet de saules, non loin de la route. Durnik fit du feu, et tante Pol commença à déballer ses chaudrons et ses bouilloires.

Maître Jeebers s’empressa d’aider son élève à descendre de cheval. Celle-ci ne fit d’ailleurs pas mine de mettre pied à terre toute seule. Elle regarda sans enthousiasme le sol un peu détrempée de la berge, puis jeta un coup d’œil impérieux à Garion.

— Toi, là, appela-t-elle, va me chercher une coupe d’eau fraîche.

— Le ruisseau est juste à côté, indiqua-t-il en tendant le doigt.

Elle braqua sur lui un regard stupéfait.

— Mais la terre est toute boueuse, objecta-t-elle.

— Oui, hein ? admit-il avant de tourner délibérément le dos et de retourner aider sa tante.

— Tante Pol, commença-t-il après avoir débattu un moment avec sa conscience.

— Oui, mon chou ?

— Je pense que cette demoiselle Sharell n’est pas celle qu’elle prétend être.

— Ah-ah ?

— Non. Je n’en suis pas absolument certain, mais je pense que c’est la princesse Ce’Nedra, celle qui est venue dans le jardin quand nous étions au palais.

— Oui, mon chou, je sais.

— Tu le savais ?

— Mais bien sûr. Tu veux bien me passer le sel, s’il te plaît ?

— Ce n’est pas dangereux qu’elle soit avec nous ?

— Pas vraiment, répondit-elle. Je pense que j’arriverai à m’en sortir.

— Elle ne risque pas de nous causer tout un tas d’ennuis ?

— Une princesse impériale cause nécessairement toutes sortes d’ennuis, mon chou.

Après avoir dégusté un savoureux ragoût, qui sembla excellent à Garion, mais que leur petite invitée parut trouver détestable, Jeebers entreprit d’aborder un sujet qu’il avait à l’évidence en tête depuis le premier instant où il les avait abordés.

— En dépit de tous les efforts des légions, les routes ne sont jamais complètement sûres, déclara ce tracassier. Il n’est pas prudent de voyager seul, et je suis responsable de la sécurité de la gente damoiselle Sharell, que l’on a commise à ma garde. Je me demandais si nous pourrions vous accompagner. Nous ne vous ennuierions pas, et je serais trop heureux de vous rembourser toute la nourriture que nous pourrions prendre.

Silk jeta un rapide coup d’œil à tante Pol.

— Mais bien sûr, acquiesça celle-ci, à la grande surprise de Silk. Je ne vois pas pourquoi nous ne ferions pas route ensemble. Nous allons au même endroit, après tout.

— Comme vous voudrez, maugréa Silk en haussant les épaules.

Ce n’était pas une erreur, ça frisait le désastre, Garion en était sûr. Jeebers ne ferait pas un compagnon de voyage spécialement agréable, et son élève promettait de devenir insupportable à bref délai. Elle était manifestement habituée à être entourée de serviteurs dévoués et à formuler à tout bout de champ des exigences inconsidérées. Mais pour être déraisonnables, ce n’en était pas moins des exigences, et Garion ne se demanda pas une seconde qui était le plus vraisemblablement destiné à les satisfaire. Il se leva et fit le tour du bosquet de saules.

De l’autre côté des arbres, les champs luisaient d’un vert soyeux sous le soleil printanier, et de petits nuages blancs planaient paresseusement dans le ciel. Garion s’adossa à un arbre et jeta un coup d’œil sur les herbages sans vraiment les voir. Il ne se laisserait pas réduire en esclavage, quelle que pût être l’identité de leur petite invitée, mais il aurait bien voulu trouver un moyen de mettre les choses au point dès le départ — avant que la situation ne dérape.

— Tu as donc complètement perdu l’esprit, Pol ? fit la voix de sire Loup, quelque part entre les arbres. Ran Borune a probablement donné l’ordre à toutes les légions de Tolnedrie de la rechercher, à l’heure qu’il est.

— Ne te mêle donc pas de ça, vieux Loup solitaire, répondit tante Pol. C’est mon problème. Je veillerai à ce que les légions ne nous ennuient pas.

— Nous n’avons pas le temps de chouchouter cette sale gamine, reprit le vieil homme. Enfin, Pol, elle va nous rendre dingues. Tu as vu comment elle parlait à son père ?

— Ce n’est pas si difficile de rompre de mauvaises habitudes, laissa-t-elle tomber, d’un ton indifférent.

— Tu ne crois pas qu’il serait plus simple de trouver un moyen de la faire ramener à Tol Honeth ?

— Elle a déjà réussi à s’enfuir une fois, répondit tante Pol. Si nous la renvoyons, elle se débrouillera pour faire une nouvelle fugue. Je me sens beaucoup plus tranquille à l’idée que je pourrai mettre la main sur sa petite Altesse Impériale quand j’aurai besoin d’elle. Je n’ai pas envie de retourner le monde entier pour la retrouver, le moment venu.

— Comme tu voudras, Pol, soupira sire Loup.

— Mais bien sûr.

— Tiens seulement cette petite morveuse hors de ma portée, conseilla-t-il. Elle me porte sur les nerfs. Les autres savent qui elle est ?

— Garion, oui.

— Garion ? Tiens donc !

— Ça n’a rien d’étonnant, expliqua tante Pol. Il est plus malin qu’il n’en a l’air.

Une émotion nouvelle commença à se faire jour dans l’esprit déjà passablement troublé de Garion. L’intérêt évident de tante Pol pour Ce’Nedra lui faisait l’effet d’un coup de poignard. Il se rendit compte, à sa grande confusion, qu’il était jaloux de l’attention qu’elle portait à la fillette.

Ses craintes ne devaient pas tarder pas à se confirmer dans les jours qui suivirent. Une remarque en passant au sujet de la ferme de Faldor eut tôt fait de révéler son ancien statut d’aide aux cuisines à la princesse qui ne cessa, dès lors, d’exploiter ce fait pour l’accabler impitoyablement sous une centaine de petites corvées stupides. Et pour tout arranger, chaque fois qu’il manifestait des velléités de résistance, tante Pol le rappelait fermement aux bonnes manières. L’affaire ne pouvait que lui inspirer très rapidement les pires réticences.

La princesse avait élaboré toute une histoire pour justifier son départ de Tol Honeth, histoire qu’elle enjolivait à chaque lieue et qui devenait tous les jours un peu plus ahurissante. Elle s’était bornée, au début, à raconter qu’elle allait rendre visite à sa famille ; mais bientôt elle ne put s’empêcher de sous-entendre qu’elle fuyait un mariage arrangé avec un vieux marchand très laid, puis de faire des allusions encore plus sinistres à un projet d’enlèvement et de demande de rançon. Enfin, et pour couronner le tout, elle leur confia que le complot en question était motivé par des raisons politiques et faisait partie d’une vaste conjuration visant à s’emparer du pouvoir en Tolnedrie.

— C’est une horrible menteuse, non ? demanda Garion à tante Pol, un soir qu’ils étaient seuls.

— Ça oui, acquiesça tante Pol. Le mensonge est un art. Bien mentir, c’est savoir rester simple. Il faudra qu’elle s’applique un peu si elle veut réussir dans cette discipline.

Ils avaient quitté Tol Honeth depuis une dizaine de jours lorsque la cité de Tol Borune leur apparut enfin dans le soleil de l’après-midi.

— Eh bien, je crois que c’est là que nos routes se séparent, déclara Silk à Jeebers, non sans soulagement.

— Vous ne vous arrêtez pas en ville ? demanda Jeebers.

— A quoi bon ? rétorqua Silk. Nous n’avons rien à y faire, en réalité, et je ne vois pas l’intérêt de perdre du temps en fouilles et en explications, sans parler du coût des pots-de-vin. Nous allons contourner Tol Borune et rattraper la route de Tol Rane de l’autre côté.

— Dans ce cas, nous pourrions peut-être faire encore un bout de chemin ensemble, suggéra très vite Ce’Nedra. Ma famille habite dans une propriété au sud de la ville.

Jeebers la regarda d’un air effaré. Tante Pol retint son cheval et regarda la jeune fille en haussant un sourcil.

— Il serait temps que nous ayons une petite conversation, et cet endroit en vaut un autre, décréta-t-elle.

Silk lui jeta un rapide coup d’œil et eut un hochement de tête. Ils mirent tous pied à terre.

— Je pense, ma petite demoiselle, reprit tante Pol, que le moment est venu de nous dire la vérité.

— Mais c’est ce que j’ai fait, protesta Ce’Nedra.

— Allons, allons, ma petite fille. Les histoires que vous nous avez racontées étaient fort divertissantes, mais vous n’imaginez tout de même pas que nous en avons cru un mot ? Certains d’entre nous savent déjà qui vous êtes, mais il me semble vraiment que vous feriez mieux de vider votre sac.

— Vous savez... ? commença Ce’Nedra, puis la voix lui manqua.

— Mais bien sûr, mon petit, répondit tante Pol. Vous voulez le leur dire vous-même, ou vous préférez que je le fasse ?

Les petites épaules de Ce’Nedra descendirent d’un cran.

— Dites-leur qui je suis, Maître Jeebers, ordonna-t-elle tout bas.

— Vous pensez vraiment que c’est prudent, Votre Grâce ? questionna anxieusement Jeebers.

— Ils le savent déjà, de toute façon, riposta-t-elle. S’ils avaient l’intention de nous faire du mal, ils ne s’en seraient pas privés, depuis le temps. Nous pouvons nous fier à eux.

Jeebers inspira profondément et c’est d’un ton passablement pompeux qu’il reprit la parole.

— J’ai l’honneur de vous présenter Son Altesse Impériale la Princesse Ce’Nedra, fille de Sa Majesté Impériale Ran Borune XXIII, et joyau de la Maison de Borune.

A ces mots, Silk poussa un petit sifflement en ouvrant de grands yeux ; les autres manifestèrent pareillement leur stupéfaction.

— La situation politique est beaucoup trop incertaine et périlleuse à Tol Honeth pour que Sa Grâce puisse demeurer sans risques dans la capitale, poursuivit Jeebers. L’Empereur m’a chargé d’accompagner secrètement sa fille à Tol Borune, où les membres de la famille Borune pourront la protéger contre les complots et les machinations des Vordueux, des Honeth et des Horbite. Je suis fier d’annoncer que ma mission aura assez brillamment réussi — avec votre concours, bien entendu. Je ferai mention de votre assistance dans mon rapport — une note en bas de page, peut-être, voire un appendice.

— Une princesse impériale, traverser la moitié de la Tolnedrie sous la seule escorte d’un maître d’école, alors qu’on se poignarde et qu’on s’empoisonne à tous les coins de rue ? rumina Barak en tiraillant sa barbe d’un air pensif.

— Plutôt risqué, non ? renchérit Hettar.

— Ton empereur T’a-t-il chargé personnellement de cette mission ? s’enquit Mandorallen.

— Ce ne fut pas nécessaire, répondit Jeebers, d’un ton hautain. Son Altesse, qui professe le plus grand respect pour mon jugement et ma discrétion, savait pouvoir compter sur moi pour imaginer un déguisement sûr et un mode de transport sans danger. La princesse m’a assuré de sa totale confiance en ma personne. Mais toute l’opération ayant dû être menée dans le plus grand secret, évidemment, c’est elle-même qui est venue dans mes appartements au cœur de la nuit pour me notifier ses instructions, et voilà pourquoi nous avons quitté le palais sans dire à qui que ce soit ce que...

Sa voix mourut sur ces mots, et il braqua sur Ce’Nedra un regard horrifié.

— Vous feriez aussi bien de lui dire la vérité, ma petite fille, conseilla tante Pol à la jeune princesse. Je pense qu’il a déjà compris, de toute façon.

Ce’Nedra releva le menton d’un air arrogant.

— Les ordres venaient de moi, Jeebers, lui révéla-t-elle. Mon père n’avait rien à voir là-dedans.

Jeebers devint d’une pâleur mortelle et tous crurent qu’il allait s’évanouir.

— Quel manque de cervelle vous a fait décider de vous enfuir du palais de votre père ? s’emporta Barak. Toute la Tolnedrie est probablement à votre recherche, maintenant, et nous sommes dans l’œil du cyclone.

— Tout doux, le calma sire Loup. Ça a beau être une princesse, c’est tout de même une petite fille. Ne lui faites pas peur.

— La question est tout de même fort pertinente, observa Hettar. Si nous sommes pris en compagnie d’une princesse impériale, il y a gros à parier que nous finirons tous sur la paille humide des geôles tolnedraines. Avez-vous une réponse à fournir ? fit-il en se tournant vers Ce’Nedra, ou n’était-ce qu’un jeu ?

Elle se redressa de toute sa faible hauteur.

— Je ne suis pas habituée à justifier mes actions auprès des serviteurs.

— Il va falloir que nous éclaircissions certains malentendus avant longtemps, je le sens, gronda sire Loup.

— Répondez juste à la question, ma petite fille, intervint tante Pol. Ne vous occupez pas de savoir qui la pose.

— Mon père m’avait emprisonnée à l’intérieur du palais, répondit Ce’Nedra d’un petit ton désinvolte, comme si cela constituait une explication suffisante. C’était intolérable, alors je suis partie. Il y a un autre problème aussi, mais c’est une question de politique. Vous ne comprendriez pas.

— Vous seriez certainement surprise de ce que nous sommes en mesure de comprendre, Ce’Nedra, insinua sire Loup.

— J’ai l’habitude que l’on s’adresse à moi en m’appelant Votre Grâce, déclara-t-elle d’un ton acerbe. Ou Votre Altesse.

— Et moi, j’ai l’habitude que l’on me dise la vérité.

— Je pensais que c’était vous qui commandiez ? s’étonna Ce’Nedra, en regardant Silk.

— Les apparences sont parfois trompeuses, observa Silk, d’un ton mielleux. A votre place, je répondrais à la question.

— C’est un vieux traité, rétorqua-t-elle. Ce n’est pas moi qui l’ai signé, alors je ne vois pas pourquoi je me sentirais liée. Je suis censée me présenter dans la salle du trône de Riva, le jour de mon seizième anniversaire.

— Nous le savons, coupa Barak. Et alors, où est le problème ?

— Je n’irai pas, c’est tout, décréta Ce’Nedra. Je ne veux pas aller pas à Riva, et rien ni personne au monde ne pourrait m’y contraindre. La reine de la Sylve des Dryades, qui est ma parente, m’offrira asile.

Jeebers avait en partie retrouvé ses esprits.

— Qu’avez-vous fait ? se lamenta-t-il, atterré. J’avais entrepris cette mission dans l’attente d’une récompense, peut-être même d’une promotion, mais vous m’avez mis la tête sur le billot, petite sotte !

— Jeebers ! s’indigna-t-elle.

— Ne restons pas au beau milieu de la chaussée, recommanda Silk. Nous avons apparemment pas mal de choses à voir ensemble, et tout ce que nous risquons ici, sur la grand-route, c’est d’être interrompus.

— Ce n’est pas une mauvaise idée, reconnut sire Loup. Trouvons un endroit tranquille et dressons le campement pour la nuit. Nous déciderons de ce que nous allons faire, et nous pourrons repartir reposés demain matin.

Ils se remirent en selle et s’engagèrent à travers les champs qui ondulaient à perte de vue dans les derniers rayons du soleil de l’après-midi, en direction d’une rangée d’arbres qui marquait l’emplacement d’une route de campagne sinueuse, à une lieue de là, peut-être.

— Nous pourrions rester ici, qu’en dites-vous ? suggéra Durnik en indiquant un gros chêne qui surplombait le chemin et dont les branches arboraient déjà des feuilles.

— Ça devrait faire l’affaire, décida sire Loup.

Il faisait bon dans l’ombre clairsemée qui s’étendait sous les branches du chêne. Le chemin, d’où se dégageait une impression de fraîcheur, était bordé de chaque côte d’un muret de pierre et tapissé de mousse. Un échalier dépassait du mur, juste à cet endroit, et il en partait un sentier qui serpentait dans les champs, jusqu’à une mare proche, étincelante sous le soleil.

— Nous pourrions faire du feu derrière l’un de ces murs, envisagea Durnik. On ne le verrait pas de la route.

— Je vais chercher du bois, proposa Garion en regardant les branches mortes qui jonchaient l’herbe sous l’arbre.

Ils étaient si bien rodés maintenant qu’ils réussirent à établir le campement en moins d’une heure. Après quoi, une fois les tentes montées, le feu allumé, les chevaux abreuvés et mis au piquet, Durnik, qui avait remarqué quelques cercles évocateurs à la surface de l’étang, chauffa une épingle de fer au feu et commença à la plier soigneusement en forme d’hameçon.

— Pourquoi fais-tu ça ? demanda Garion.

— Je me disais qu’on aimerait peut-être avoir du poisson pour dîner, expliqua le forgeron en essuyant l’hameçon improvisé sur le bas de sa tunique de cuir.

Il le mit de côté et sortit une seconde épingle du feu avec une paire de pinces.

— Tu voudrais aussi tenter ta chance ? Garion lui répondit par un grand sourire.

Barak, qui démêlait sa barbe, non loin de là, leva sur eux un regard dolent.

— J’imagine que tu n’aurais pas le temps d’en fabriquer un troisième, hein ? soupira-t-il.

— C’est l’affaire d’une minute, acquiesça Durnik avec un petit rire.

— Il nous faudrait des appâts, déclara Barak en se levant d’un bond. Où est ta pelle ?

Peu après, les trois hommes partaient à travers champs en direction de l’étang. Ils coupèrent en chemin des arbustes en guise de gaules et s’installèrent pour pêcher sérieusement.

Les poissons devaient avoir très faim, car ils attaquèrent les hameçons amorcés aux vers par escouades entières. En l’espace d’une heure, les pêcheurs avaient aligné près de deux douzaines de truites luisantes, de dimensions respectables, sur la rive herbeuse de l’étang.

Lorsqu’ils revinrent, le soleil se couchait, teintant le ciel de rose au-dessus de leurs têtes. Tante Pol inspecta gravement leur prise.

— Très joli, remercia-t-elle. Mais vous avez oublié de les vider.

— Oh, fit Barak, d’un air quelque peu marri. Nous nous étions dit que... comme nous avions fait la pêche...

Il ne termina pas sa phrase.

— Allez-y, recommanda-t-elle d’un ton égal. Barak poussa un soupir.

— J’imagine que nous ferions aussi bien de nous y mettre tout de suite, les gars, lâcha-t-il, la mort dans l’âme.

— Tu as probablement raison, admit Durnik.

Le ciel avait revêtu la pourpre du soir et les étoiles commençaient à luire lorsqu’ils s’installèrent pour manger. Tante Pol avait fait frire les truites qui étaient maintenant d’un joli brun doré, et la petite princesse boudeuse elle-même ne trouva rien à redire à ce mets.

Lorsqu’ils eurent fini, ils écartèrent leurs assiettes et revinrent au problème de Ce’Nedra et de sa fuite de Tol Honeth. Jeebers s’abîmait dans une mélancolie tellement abjecte qu’il n’apporta pas grand-chose au débat, et Ce’Nedra proclama hautement que si leur intention était de la remettre entre les mains des Borune de la ville, elle s’enfuirait à nouveau. Tant et si bien qu’à la fin, ils n’étaient arrivés à rien.

— Eh bien, je crois que nous sommes dans un drôle de pétrin, résuma Silk, la mort dans l’âme. Quoi que nous fassions, même si nous tentons de la ramener à sa famille, on ne manquera pas de nous poser des questions embarrassantes, et je suis sûr qu’on peut compter sur elle pour inventer une histoire pittoresque qui nous placera sous l’éclairage le plus défavorable possible.

— Nous reparlerons de tout ça demain matin, déclara tante Pol.

Son ton placide indiquait qu’elle avait déjà pris une décision, mais elle en resta là.

Jeebers leur faussa compagnie peu avant minuit. Pris de panique, le précepteur s’enfuit au galop vers les murailles de Tol Borune, et ils furent réveillés par le tambourinement des sabots de son cheval.

Silk alla se planter devant Hettar, qui montait la garde, tout de cuir vêtu, à la lueur vacillante du feu mourant.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas arrêté ? s’écria-t-il, le visage déformé par la colère.

— On m’avait dit de ne pas le faire, révéla l’Algarois, avec un coup d’œil en direction de tante Pol.

— Ça règle notre seul et unique problème, expliqua tante Pol. Le magister était un véritable fardeau.

— Vous saviez qu’il allait prendre la fuite ? s’étonna Silk.

— Mais bien sûr. C’est même moi qui l’ai aidé à prendre cette décision. Il va aller tout droit chez les Borune et tenter de sauver sa peau en leur racontant que la princesse s’est sauvée du palais toute seule, et qu’elle est maintenant entre nos mains.

— Mais enfin, il faut l’arrêter ! s’exclama Ce’Nedra d’une voix vibrante. Rattrapez-le ! Ramenez-le ici !

— Après tout le mal que je me suis donné pour le convaincre de s’enfuir ? railla tante Pol. Ne soyez pas stupide !

— Comment osez-vous me parler sur ce ton ? s’indigna Ce’Nedra. Vous semblez oublier qui je suis.

— Ma petite demoiselle, dit civilement Silk, je pense que vous seriez surprise de savoir à quel point vos titres et votre rang importent peu à Polgara.

— Polgara ? Ce’Nedra manqua défaillir. La Polgara ? Mais n’aviez-vous pas dit que c’était votre sœur ?

— J’ai menti, avoua Silk. C’est un de mes petits défauts.

— Vous n’êtes pas un marchand comme les autres, accusa la fillette.

— C’est le prince Kheldar de Drasnie, confirma tante Pol. Les autres sont d’une égale noblesse. Je suis sûre que vous comprenez maintenant à quel point votre titre nous impressionne peu. Nous sommes bien placés, étant titrés nous-mêmes, pour savoir à quel point ce que l’on appelle le rang peut être vide de sens.

— Si vous êtes Polgara, alors lui, ce doit être... La petite princesse se tourna pour regarder sire Loup, qui s’était assis sur la première marche de l’échalier pour retirer ses chaussures.

— Oui, confirma tante Pol. Il n’a vraiment pas l’air de ce qu’il est, hein ?

— Qu’est-ce que vous faites en Tolnedrie ? s’enquit Ce’Nedra, médusée. Allez-vous faire appel à la magie ou à quelque chose dans ce genre pour régler le problème de la succession ?

— Pour quoi faire ? rétorqua sire Loup en se relevant. Les Tolnedrains donnent toujours l’impression de penser que leurs affaires intérieures sont de nature à ébranler le monde, mais le reste de l’univers ne se préoccupe pas tant que ça de savoir qui emportera le trône de Tol Honeth. Nous sommes ici pour une affaire bien plus importante, conclut-il en plongeant le regard dans les ténèbres, en direction de Tol Borune. Il faudra un certain temps à Jeebers pour convaincre les gens de la ville qu’il n’est pas fou, mais je pense que nous n’avons pas intérêt à nous éterniser ici. Et je crois que nous serions bien inspirés d’éviter un peu les routes principales.

— Ce n’est pas un problème, lui assura Silk.

— Et moi ? demanda Ce’Nedra.

— Vous vouliez vous rendre à la Sylve des Dryades, lui rappela tante Pol. Eh bien, nous allons par là, de toute façon, alors vous pouvez rester avec nous. Nous verrons bien ce que dira la reine Xantha quand nous arriverons là-bas.

— Dois-je me considérer comme prisonnière ? questionna la princesse, non sans raideur.

— Si ça peut vous faire plaisir, ma petite fille, je n’y vois pas d’inconvénient, répondit tante Pol en la regardant d’un air critique, à la lueur vacillante du feu. Il va tout de même falloir que je m’occupe de vos cheveux. Je me demande vraiment ce que vous avez pu utiliser comme teinture pour obtenir un aussi vilain résultat.

La Reine des sortileges
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